Diaspora africaine en Europe que fais-tu ?

Selon les statistiques officielles, l’Europe accueille aujourd’hui environ 3 millions d’Africains sur son territoire. En quoi et comment cette diaspora pourrait-elle contribuer à accompagner les efforts de développement et d’intégration sur le continent africain ?

Êtes-vous fatigué de passer des heures à écrire des textes sans obtenir le résultat escompté?


L’ambition ici ne sera pas de fournir des réponses exhaustives à cette interrogation mais plutôt d’ouvrir quelques pistes de réflexions. Mon propos sera articulé autour des deux points suivants : la géographie, le profil sociologique et la géo-culture de la diaspora africaine en Europe ; les axes concrets autour desquels pourraient s’articuler un projet de mobilisation de la diaspora africaine en faveur du développement du continent africain.

Géographie, sociologie et géo-culture de la diaspora africaine

La répartition géographique de la diaspora africaine sur le territoire européen est assez inégale. Si on retrouve des Africains dans la totalité de l’espace européen, les principaux pays d’accueil de la diaspora africaine en Europe demeurent la France (55% des diasporas africaines), l’Italie, l’Allemagne, la Belgique, les Pays Bas, le Royaume Uni et le Portugal. Les frontières géographiques de cette présence recoupent souvent celles de la carte de l’Histoire. La répartition territoriale de la diaspora est, en effet, souvent fonction de l’histoire coloniale qui lie les pays d’origines et les pays d’accueil.

Le profil sociologique, la mobilité sociale et la géopolitique de cette diaspora sont quant à elles souvent influencées par plusieurs facteurs structurels et conjoncturels (notamment économiques, politiques – formes d’intégration des pays d’accueil, etc.)

Les membres de cette diaspora sont confrontés à plusieurs défis dans les domaines suivants :
– logement et cadre de vie ;
– éducation et formation ;
– emploi ;
– entreprenariat (mobilisation de l’épargne, micro finance, investissement) ;
– citoyenneté (participation à l’action politique et aux relations Europe-Afrique).

Au niveau identitaire la majorité des membres de la diaspora reste liée à l’Afrique et réceptive à l’idéal panafricain. Certaines figures historiques du panafricanisme sont d’ailleurs issues de cette diaspora et historiquement les idées panafricaines ont toujours trouvé un écho favorable au sein de la diaspora. La question aujourd’hui est la suivante : comment articuler ce sentiment panafricaniste autour de quelques objectifs concrets et précis ?

Pistes d’action

Promouvoir la mobilisation des ressources financières de la diaspora en faveur du développement du continent

L’apport de la diaspora africaine au développement de l’Afrique est considérable. Les flux financiers des membres de cette diaspora dépassent notablement – dans certains pays – les apports financiers extérieurs tels que l’aide publique au développement, l’investissement direct étranger et dans certains cas les recettes d’exportation.

Le montant des rapatriements de fonds des membres de la diaspora dans un pays comme le Cap Vert – par exemple – est 16 fois supérieur aux recettes d’exportation de l’archipel. Et, selon une étude du BIT, les transferts de fonds des migrants à destination d’un pays comme le Sénégal représentent plus de 90% du revenu des ménages auxquels ils sont destinés.

Sans se substituer aux politiques de développement et à la coopération internationale, ces transferts de fonds apportent une contribution non négligeable à la lutte contre la pauvreté. Non seulement parce qu’ils sont affectés à des dépenses primaires (alimentation, logement, vêtements), mais aussi parce qu’ils génèrent à travers des projets de développement locaux et la création d’entreprises, des impacts positifs sur le long terme.

Afin de maximaliser l’impact de ces transferts de fonds, il conviendrait de mettre en place une politique qui pourrait s’articuler autour des points suivants :

  • l’adoption de politiques et de mesures visant à réduire le coût des transactions des envois de fonds des membres de la diaspora vers leurs pays d’origine ;
  • l’encouragement des collectivités locales et des établissements bancaires à faciliter l’affectation de l’épargne des migrants à des projets locaux de développement ;
  •  l’appui à l’action des associations tendant à promouvoir les projets utilisant les transferts de fonds pour réduire la pauvreté et instaurer un développement durable dans les pays d’origine ;
  • la mise en place de circuits financiers fiables pour la collecte de l’épargne des membres de la diaspora et sa valorisation dans les pays d’origine ;
  • la mise sur pied de dispositif d’appui financier aux initiatives économiques des migrants – notamment par la facilitation de l’accès au crédit et la création de fonds de garantie ;
  • la facilitation de l’accès aux micro-crédits des membres de la diaspora par le renforcement des caisses de crédit et d’épargne autogérées ;
  • la mise en place et le développement de systèmes de fonds de garantie pour accompagner les initiatives des migrants.
Favoriser la mobilisation des compétences de la diaspora à travers une participation temporaire, de longue durée et/ou virtuelle

Un tiers de la capacité intellectuelle de l’Afrique vit à l’extérieur du Continent. Il y a aujourd’hui plus de médecins béninois en France qu’au Bénin ; il y a plus d’infirmières du Malawi dans la ville de Manchester que dans tout le Malawi ; les médecins formés au Ghana sont plus nombreux à l’étranger que dans leur pays d’origine ; l’Ethiopie a perdu 75% de sa main d’œuvre spécialisée ces dix dernières années. Selon les chiffres de l’OIM, chaque année 20 000 Africains hautement qualifiés quittent le continent. Cet exode des cerveaux peut créer un cercle vicieux de nature à freiner le développement.

Face à cette saignée, on pourrait envisager une stratégie articulée autour de trois piliers suivants:

  • la rétention des Africains qualifiés sur place par des politiques incitatives ;
  • l’incitation certains membres de la diaspora à rentrer par la mise en place de politiques adéquates ;
  • la récupération des compétences en faisant recours notamment aux nouvelles technologies de l’information. Le transfert des compétences des membres de la diaspora vers leur pays d’origine à travers ces réseaux virtuels est une formule de plus en plus utilisée et qui s’est déjà avérée efficace.

Cette mobilisation des compétences doit être accompagnée d’un effort d’identification des compétences issues de la diaspora qui pourrait se matérialiser à travers la création d’une base de donnée recensant les différentes compétences dans des domaines jugés prioritaires.

Cette politique de mobilisation des compétences pourrait donc s’articuler autour des axes suivants :

  • la facilitation de la mobilité des compétences par une migration circulaire ;
  • la constitution de bases de données sur les diasporas ;
  • l’accompagnement des initiatives des membres de la diaspora et l’instauration d’un environnement favorable à leur installation ;
  • la participation des diasporas au développement de leur pays par la mise en place de cadres de coopération adéquats ;
  • la mise à disposition temporaire d’experts issus des diasporas ;
  • le soutien aux programmes et mécanismes spécifiques ayant pour objectif la valorisation de l’apport des membres de la diaspora hautement qualifiés au développement de leurs pays d’origine.

Promouvoir le rayonnement de l’Afrique en Europe

L’Afrique a connu de profondes mutations ces dernières années. Le discours sur l’Afrique semble décalé par rapport à ces nouveaux développements. Il continue d’être dominé par des clichés misérabilistes. Les Africains vivant en Europe peuvent contribuer à corriger cette tendance en se faisant l’écho de ce qui se passe réellement sur le terrain.

Cette question de réhabilitation de l’image de l’Afrique n’est pas une question qui relève de l’ordre du folklorique. Elle est importante car l’image actuelle du continent détermine parfois les rapports du monde vis-à-vis de l’Afrique.

Une stratégie de la diaspora dans ce domaine pourrait être construite autour notamment des piliers suivants :

  • l’encouragement de l’émergence d’une industrie culture africaine ;
  • le développement d’outils de communications portées par des membres de la diaspora (ceux faisant recours notamment aux nouvelles technologies de l’information) ;
  • le développement de programmes de sensibilisation du public européen (instauration d’un mois d’Afrique en Europe) ;
  • un lobby pour la révision des manuels scolaires là où il convient de le faire ;
  • la préservation de la mémoire africaine à travers une politique d’appui des travaux de recherche et de publication. La réhabilitation de l’image de l’Afrique est indissociable de la préservation de la mémoire du continent. Un peuple qui perd le combat pour la préservation de sa mémoire perd le combat pour son avenir. Ce travail de préservation de la mémoire doit également prendre en compte la réalité vécue par les nouvelles générations. Les jeunes issus de la diaspora auront un lien direct moins direct avec le continent que la génération de leurs parents. D’où l’impérieuse nécessité d’envisager pour eux des programmes de formation et de sensibilisation à l’histoire et aux enjeux africains afin de garder vivant le lien ombilical ;
  • l’encouragement des initiatives visant à favoriser la constitution de la diaspora africaine en force de réflexion, de proposition et d’influence en faveur du développement de l’Afrique. Ce volet pourrait être matérialisé notamment à travers la création d’un observatoire panafricain sur la globalisation. Les politiques adoptées au niveau européen et global ont des incidences sur le développement du Continent. De même, il y a des questions de l’agenda international qui nécessitent une action de la part de la diaspora pour mieux faire entendre les intérêts du continent. L’observatoire panafricain de la Diaspora aurait pour objectif de rassembler l’information sur la globalisation et de proposer des analyses aux leaders du Continent sur les questions globales pouvant affecter l’Afrique. Il pourrait également aider l’Afrique à revisiter certaines notions liées au développement, à formuler ses positions sur les enjeux globaux et à sensibiliser les diasporas sur ces questions.

Favoriser l’émergence d’un réseau européen de la diaspora africaine

La majorité des membres de la diaspora font parti d’une association et/ou d’un groupe d’entraide. Ainsi, se combinent au sein de ces structures, des motivations à la fois culturelles, sociales – lutter contre la solitude, accueil de nouveaux arrivants, retrouver une ambiance familiale et communautaire – et financières, à travers le financement de projets de développement et la mise en place de systèmes d’épargne de précaution.

Le défi est de favoriser l’émergence d’un réseau européen des diasporas africaines, regroupant ces différentes structures en faveur de l’intégration et du développement du continent. Ce réseau pourrait être construit à partir des réseaux nationaux et thématiques déjà constitués.

D’ici et de là-bas à la fois

Certains membres de la diaspora vivent parfois dans une double absence. Coupés de leurs pays d’origines, ils ne sont pas pour autant intégrés et citoyens à part entière dans les pays d’accueil. Le défi à relever aujourd’hui est celui de la transformation de cette double absence en double présence. L’Afrique a besoin non seulement d’une diaspora africaine active sur le continent mais également bien intégrée en Europe et ayant une certaine capacité d’influencer positivement les politiques africaines des pays hôtes.

 

Auteur : David Gakunzi

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