Aux sources africaines de la Circoncision

les origines africaines de la Circoncision

Êtes-vous fatigué de passer des heures à écrire des textes sans obtenir le résultat escompté?


OCTOBER 2, 2014

Rappelons ici ce que disent Louis-Vincent Thomas et René Luneau au sujet de la notion de Koré : « On sait qu’au sommet de l’initiation bambara se tient la société du Koré. Écrivent-ils. Qu’est-ce que le Koré ? Connaissance de Dieu, déification de l’homme trop-plein de la plénitude, ennoblissement de l’homme, voilà tout ce qu’est le Koré par excellence (…) Sa valeur imminente résulte du fait qu’il déifie ce qu’il tue, c’est-à-dire qu’il les rend immortels comme le ferait une sorte de sacrement consistant à octroyer aux mortels l’éternité de Dieu. Le propos n’est pas démesuré et le Koré sait ce dont il parle. Qu’on lise à cet égard les admirables versets que récitent lors des grandes célébrations, ces maîtres du Koré que sont les kara (ceux qui enseignent). L’aridité de Dieu le rend semblable à une savane blanche qu’a brûlée le soleil, son silence est celui du caloa sourd-muet mais il est aussi savane verte, source de joie et de bénédiction, carrefour c’est-à-dire pivot sur lequel tout repose et autour duquel tout gravitevoûte céleste et total englobantespace de la rencontre. Il est enfin fuseau se fécondant et grossissant au fur et à mesure du filage. Quel sens peut avoir cette image ? Le langage du Koré entend affirmer par là que plus on parle de Dieu plus il devient épais et inintelligible. Cela signifie-t-il que l’homme ne doive jamais évoquer Dieu ? Loin de là. Le Koré, justement a pour mission de découvrir le chemin pour arriver à Dieu et de le dévoiler lui-même; il essaie de communiquer à l’homme le trop-plein résultant de la plénitude divine. Car au fond, si Dieu est l’être profond et impénétrable auquel l’homme se livre dans sa vie mystique, il n’en est pas moins vrai aussi qu’il est un désir comparable à une voix enfouie dans l’âme. Il est la voix de la voix comme le désigne Koré, que l’homme peut et doit faire émerger pour son ennoblissement et sa durée sans fin. À cet égard, le comportement d’une des classes du Koré, les Koré dugales vautours du Koré, a quelque chose d’exemplaire. Ils sont apparemment les pitres de la fête, multipliant les facéties, voire les incongruités. Ce n’est pas pure malice ou besoin de faire rire : cette extrême liberté de comportement traduit à sa manière la liberté intérieure à laquelle l’initiation les a fait parvenir. Associés au vautour dont on sait qu’il est le symbole de la connaissance totale puisque rien n’échappe à son œil vigilant, ils ont atteint à la connaissance véritable qui leur fait dépasser la souffrance et même la mort qui cesse pour eux d’être angoissante et dont il parle comme d’un mariage. Ces non-conformistes, volontairement redevenus enfants, traduisent à travers leurs gestes le bonheur auquel ils sont réellement parvenus. Ils ont en quelque manière rejoint le monde de Dieu et dépassé toute incertitude » (L.-V. Thomas et René Luneau, La Terre africaine et ses religions, pp. 146-147).

Souvenons-nous que le terme kor désigne le sexe masculin, chez les Sérères notamment. Rappelons aussi que Koré désigne l’autre nom de Proserpine/Perséphone, objet de la quête de Démeter, figure isiaque d’après Hérodote.

Le terme grec korê kosmou présent chez Stobée avec le Corpus Hermeticum se traduit couramment par pupille du monde (voir Platon). Cette allusion doit être mise au compte d’Osiris (Wosiré). En effet, Plutarque, dans le Traité d’Isis et Osiris précise que dans les temples: « Les Égyptiens y désignent par un sceptre et un œil, Osiris, leur seigneur et leur roi. Son nom, suivant quelques interprètes, signifie qui a beaucoup d’yeuxOs, dans leur langue, veut dire beaucoup, et irisl’œil. Le ciel, qui ne vieillit point, puisqu’il est éternel, est figuré par un cœur posé sur un brasier ardent » (Plutarque, Œuvre morales de Plutarque, p. 328). Même si cette interprétation du nom d’Osiris (Wosiré) reste approximative, on voit bien le rapport établi avec l’iris et le nom d’Osiris (Wosiré) dans la compréhension de l’écrivain Grec. De plus, notons l’allusion au symbole du Sacré-Cœur dans ce passage qui nous ramène au Christianisme; symbole appartenant, comme le dit Plutarque, à l’iconographie d’Osiris (Wosiré). Nous mentionnons au passage qu’Iris, de la tradition grecque, désigne l’arc-en-ciel, celle qui porte les messages des dieux aux mortels, servant ainsi de pont entre le monde des mortels et celui des immortels. Ce symbole (arc-en-ciel), avec la circoncision, seront retenus par les chroniqueurs de la Bible pour illustrer l’Alliance entre le dieu biblique et les hébreux.

Maat, ses ailes déployées figurent les couleurs de l'arc-en-ciel.

Maat, ses ailes déployées figurent les couleurs de l’arc-en-ciel.

 

Le nom d’Osiris, celui qui voit tout, comme le laisse suggérer Plutarque, rejoint l’idée d’une bonne vue déjà évoquée avec les Koré dugales vautours du Koré de la tradition bambara, le degré initiatique le plus élevé de cette famille africaine. Nous montrons aussi que les ailes déployées de Maat, d’Isis (Aseta) ou de Nephtys (Nebet-Hout) sont des ailes de vautours,figurant les couleurs de l’arc-en-ciel, et que certaines images d’Isis (Aseta), tout autant que celles d’Hathor (Hout-Horo), l’Aphrodite (Cypris) des Grecs, montrent les déesses (et parfois les reines, ex. Nefertari) couronnées d’un vautour aux ailes déployées. Le terme koré est partout constant, qu’il s’agisse de l’Afrique ou de la Grèce, montrant la même signification associée à la vue et à l’initiation.

Celui qui voit tout est celui qui a les yeux propres. Que nous dit Diéne Thiao à ce sujet ? « Notons que le singulier du mot sérère kid , les yeux, est ngid. Écrit-il. Le pluriel du mot wolof bet, œil, peut être aussi guet. Ce qui rappelle le pluriel en peul guitéles yeux. Ainsi, on se retrouve autour du thème de l’œil en jetant un œil sur ngidguet ou guité. Il est difficile de savoir lequel des termes est la racine première (j’aurais plus de préférence au mot sérère car il est au singulier), mais on voit bien leur racine commune. Le rituel matinal du Sénégalais commence par le lavage du visage dès qu’il se lève de son dortoir. Il y a même des gens superstitieux qui ne vous adresseront pas la parole tant que vous n’aurez pas accompli ce rituel. Cependant l’expression, l’œil propre, ou les yeux propres, a kida gool, est plus liée à la bonne vue avec cette clarté matinale, ce lever du soleil, qu’avec ce rituel du lavage du visage apparemment impropre. L’œil n’est plus gêné par l’obscurité de la nuit et devient propre et apte à regarder clairement sous l’éclat de la lumière du jour. Ainsi s’établit une relation très étroite entre la lumière du jour et l’œil. Le décodage d’un tel message nécessite non seulement la connaissance du vocabulaire utilisé mais aussi cette manière imagée de décrire la réalité (…) Il faut savoir que le mot gool est une forme grammaticale du mot khool qui signifie propre en sérère.(…) le fait que l’on considère le sommeil dans la nuit comme une sorte de mort est commun, et en plus le petit-déjeuner est une sorte de résurrection pour les deux langues (wolof, sérère). En faisant l’analogie avec le français et l’anglais sur ce thème on se retrouve avec la même expression de la pensée : l’anglais dira breakfast (couper le jeûne) et le français confirmera le même mode de pensée déjeuner. Je ne saurai clore cet exemple sans vous dire que le mot sérère niak est aussi un mot wolof et veut dire perdre ou ne pas avoir quelqu’un ou quelque chose comme en sérère. Ce mot est aussi utilisé pour exprimer la mort. Dans cette même expression commune convergente de la pensée, se réveiller d’un sommeil est équivalent à être intelligent. Nous voyons ainsi la relation entre être intelligent et la lumière du jour ou autrement dit les yeux propres. Ce rapport intime se constate aussi entre la résurrection et l’illumination » (Diéne Thiao, Une parodie de l’histoire, l’Égypte révélée, pp. 28-32).

efertari, épouse du Fari Ramses II, Ankh, Oudja, Seneb. Detail of Mural Painting of Queen Nefertari in her Tomb in the Valley of the Queens --- Image by © Roger Wood/CORBIS © Corbis. All Rights Reserved.

efertari, épouse du Fari Ramses II, Ankh, Oudja, Seneb. Detail of Mural Painting of Queen Nefertari in her Tomb in the Valley of the Queens — Image by © Roger Wood/CORBIS © Corbis. All Rights Reserved.

 

Cette dernière allusion nous emmène enfin à lever le voile sur le mystère de la circoncision, symbole de l’alliance, telle que l’auront institué les Africains de la période antique depuis au moins la 6e Dynastie kémite qui voit attester d’une telle scène la tombe du Djati Ankhmahor, vers 2300 av. l’E.E, à une époque où ni les Hébreux ni les Grecs n’existaient dans l’Histoire.

La pupille, qui désigne l’iris, et donc le fait de bien voir, sous-entendu être initié aux mystères, s’ôte d’une membrane dite pupillaire à la naissance qui s’apparente au prépuce, cette membrane de peau qu’on enlève au moment de la circoncision. Une affection, appelée acorie, peut être associé à cette membrane pupillaire. Le Traité des maladies des yeux de Xavier Galezowski la décrit comme suit : « Acorie ou synizésis congénitale. C’est la persistance de la membrane pupillaire, état dans lequel la pupille reste fermée après la naissance par une membrane d’un blanc grisâtre, légèrement brunâtre, et ressemblant par sa couleur à celle de l’iris. D’après Ch. Robin, cette membrane est constituée par une substance amorphe, transparente, parcourue par un réseau de capillaires fins et très-serrés. Ces vaisseaux proviennent d’anses anastomotiques qui se trouvent près du centre de la membrane pupillaire et se continuent avec ceux de la petite circonférence. La membrane pupillaire ferme la pupille, selon J. Cloquet, jusqu’au septième mois de la vie intra-utérine, puis elle se rétracte, s’écarte et se replie sur le bord pupillaire (neuvième mois). Mais il arrive quelque fois qu’elle ne disparaît point, ou qu’elle ne se rétracte qu’en partie. On voit alors dans la pupille, après la naissance, une membrane unie, exsangue ou vasculaire, fermant complètement cette ouverture. Quelques fois elle est traversée dans des directions différentes par des brides qui ne sont autres que des débris de la membrane pupillaire. Lorsque la pupille est tout à fait obstruée, la vue est abolie. Si elle ne présente que des brides, la vue est simplement troublée et souvent il y a diplopie ou polyopie » (Xavier Galezowski, Le Traité des maladies des yeux, pp. 387-388).

Maat

Maat

 

La diplopie est la sensation de voir double, la polyopie est celle de voir plusieurs fois un même objet. Est-ce de cette affection rapportée à l’initiation que provient la fameuse allégorie de la Caverne de Platon ? En Afrique noire, quelque soit les traditions auxquelles on se réfère, la circoncision a lieu avant l’âge de dix ans. Neuf ans étant généralement requis pour une grande majorité de jeunes garçons.

Avec le rapport à l’œil, on peut voir que le maquillage oculaire kémit a aussi la fonction d’affuter la vue de l’initié.

Pour conclure, on peut noter que certains oiseaux, dont les rapaces, sont quadrichromates ou pentachromates, c’est-à-dire qu’ils possèdent quatre ou cinq cônes (récepteurs) rétiniens et perçoivent donc des domaines du spectre électromagnétique invisibles pour nous, les humains, qui sommes “simplement” trichromates. La chouette fait encore mieux car elle a la faculté de pouvoir tourner la tête à près de 360 degrés. Cette remarquable adaptation de la vue chez les oiseaux doit être rapportée à la notion d’initiation. On comprendrait alors mieux pourquoi tous les initiés supérieurs des mythologies africaines ont un oiseau pour emblème; il peut s’agir d’un ibis, d’un faucon, d’un vautour, d’une oie, d’une sarcelle, d’un épervier, d’un aigle, d’un benou (phoenix), etc.


Frédéric Cabas-Perrot

26 Blog Publications

Réponses